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Comment se soucier des victimes en impliquant les auteurs ?

La méthode PIKAS, expliquée par Jean-Pierre Bellon

Une alternative qui se développe dans les établissements #NAH

lundi 3 juillet 2017, par Romain SUGIER

Face au harcèlement, des méthodes de sensibilisation et d’intervention existent. Il est ainsi possible de s’appuyer sur le groupe pour désamorcer une situation, ou d’amener le harceleur à se soucier de sa victime.

En France, 10% des élèves se disent harcelés. Alors que des collégiens ont interpellé les candidats à l’élection présidentielle, des méthodes inspirantes de prévention et d’intervention ont déjà été expérimentées dans certains établissements.


La méthode de la “préoccupation partagée”

Utilisée avec succès en Finlande, en Australie et au Canada, cette méthode a été créée et développée en Suède par le psychologue Anatol Pikas. Elle consiste en une série d’entretiens individuels avec les élèves ayant pris part au harcèlement et au cours desquels on recherche avec eux ce qu’ils pourraient eux-mêmes mettre en oeuvre pour que le harcèlement cesse.

Pikas part du principe que le harcèlement est un phénomène de groupe et que celui-ci exerce une pression sur chacun de ses membres pour se maintenir dans le harcèlement. La peur est ainsi le véritable ciment du groupe. La méthode consiste à briser cette unité du groupe et à rechercher avec chacun de ses membres une issue positive pour sortir du harcèlement.

Cette méthode apparait comme l’une des plus efficaces pour traiter à la base les situations de harcèlement. En France, les travaux de Pikas ne sont pas traduits. L’APHEE (2006) est la seule association organisant des formations de professionnels à cette méthode. ( Association pour la Prévention des phénomènes de Harcèlement Entre Elèves )

“Si vous faites de la prévention, mais que vous ne mettez pas en face une équipe pour traiter la situation, vous aggravez le problème, car vous incitez les cibles de harcèlement à se signaler sans les aider ensuite”, explique Jean-Pierre Bellon co-président de l’APHEE. L’idée de cette démarche, développée par Anatol Pikas, psychologue de l’éducation dans les années 1970 : se focaliser sur les harceleurs.

“Quand un élève chargé de la vigie repère un début de harcèlement, il prévient une équipe de 3 ou 4 adultes volontaires (enseignants, CPE, personnels de santé), dédiée au traitement des situations”, explique Jean-Pierre Bellon. Cette équipe n’a pas le pouvoir de punir : “la sanction à elle seule ne fonctionne pas, et a même souvent pour effet de renforcer le problème, puisque le harceleur se retourne ensuite sur sa cible”, indique-t-il.

La méthode de la préoccupation partagée consiste à rencontrer, une fois ou plusieurs fois, individuellement, le ou les harceleurs. “Sans chercher à donner à la situation un aspect policier, on explique à l’élève face à soi que l’on est préoccupé par la situation de la victime. Et on lui demande ce qu’il peut nous en dire, sans l’accuser ou le culpabiliser”, explique Jean-Pierre Bellon.

La deuxième phase de l’entretien consiste à associer le harceleur au règlement du problème dont il est la source. “On lui demande ce qu’il pourrait faire pour aider le harcelé : on le rend acteur du retour au bien-être de sa victime”, note l’ex-enseignant. “S’il refuse de reconnaître les faits et de trouver une solution, il y aura un nouvel entretien quelques jours plus tard”, ajoute Jean-Pierre Bellon. Selon lui, “l’intervenant Pikas” doit être bienveillant, mais surtout obstiné : “il ne lâchera pas et continuera les entretiens jusqu’à ce que la situation s’arrête”.

« Créer un climat de paix »

D’après le co-président de l’APHEE, les résultats de la préoccupation partagée sont là : “plus de 80% des cas de harcèlement sont résolus grâce à cette technique. Car dégagés du poids d’une menace de sanction, les harceleurs ne se sentent pas accusés, et vont spontanément trouver une solution au problème de leur cible”. Il constate par ailleurs que “plus les élèves sont jeunes, plus cela fonctionne”.

“Face à un adulte qui le place en position d’aider celui à qui il a fait du mal, le harceleur est désarmé, et va très vite trouver une solution”, poursuit Jean-Pierre Bellon. Parfois, cette solution peut être “navrante de simplicité”, estime-t-il : “on va par exemple arrêter de se moquer du harcelé, ou de lui donner des surnoms”. Et d’ajouter que l’objectif “n’est pas d’en faire des amis, mais à créer un climat de paix”

Amener les pairs “à ne plus cautionner” le harcèlement

Lorsque la méthode Pikas ne fonctionne pas, quand le harceleur ne coopère pas et que la situation est plus grave, “le chef d’établissement prend le relai, pour passer alors à la sanction”, note Jean-Pierre Bellon.

“Le harceleur est lui-même sensible au regard que porte le groupe sur lui, et quand ce dernier désapprouve son attitude, cela suffit parfois à la neutraliser”, conclut le co-président de l’APHEE.

Vous trouverez ci-dessous la présentation de la méthode Pikas pour le traitement des cas de harcèlement par Jean-Pierre Bellon (APHEE) et la réponse de l’ex ministre de l’éducation Mme Najat VALLAUD-BELKACEM. ( diffusion sur France 2, le 10 février 2015)

https://youtu.be/gINKhaEGoDY

Récemment CANOPE a également communiqué sur cette méthode de la "préoccupation partagée" :

https://www.reseau-canope.fr/climatscolaire/agir/ressource/axeId/prevention-des-violences/ressourceId/la-methode-de-la-preoccupation-partagee.html

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