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synthèse du GDL du 21 année 2011/2012

Les pratiques des CPE face aux nouveaux modes de communication numérique des jeunes.

lundi 17 décembre 2012

Les nouvelles technologies de communication connaissent une évolution rapide qui révolutionnent nos modes de communication. Notre système éducatif cherche à s’adapter et accorde un intêret et une place croissante aux NTIC. Et même si nos élèves, qui ont grandi avec ces nouveaux outils, semblent les maîtriser, nous sommes, de plus en plus confrontés, dans nos établissements à des situations où des élèves se retrouvent dans des postures difficiles voire dangereuses pour eux. Bien qu’utilisant ces NTIC de façon quotidienne via leurs ordinateurs ou téléphones portables, ils restent souvent ignorants des règles qui régissent les relations via ces nouvelles technologies et des risques potentiels. Bien que faisant partie du quotidien de leur enfant, les parents se sentent très souvent démunis. Ce sentiment est accentué par une maîtrise parfois plus limitée de ces outils, et ils se tournent vers l’école pour trouver de l’aide et des conseils.

Nos pratiques professionnelles doivent prendre en compte ces évolutions afin que nos compétences puissent contribuer à éduquer des élèves citoyens et cyber citoyens.

Nous avons d’abord souhaité approfondir nos connaissances théoriques sur ce qu’est internet, comment cela fonctionne pour mieux appréhender les risques encourus et ensuite trouver des portes d’entrée éducatives à la formation de cyber citoyens.

Cette réflexion, menée cette année, nous a permis à la fois d’avoir un apport théorique indispensable à notre culture professionnelle et d’enrichir nos compétences sur le terrain en diversifiant nos projets, nos partenariats et nos entrées en terme éducatif et pédagogique.
[rouge]Comment le CPE peut-il accompagner, éduquer à... plutôt que vouloir voir le monde numérique comme un problème dont il faut uniquement se protéger.[/rouge]

1- Quelques apports théoriques.

Au cours de nos échanges, nous partagions la conviction qu’il est indispensable pour le CPE de comprendre les enjeux de la communication numérique et du fonctionnement des réseaux sociaux pour mettre nos compétences au service de la formation de "cyber citoyen" à la fois sur le plan individuel et sur le plan collectif, par le pilotage de projets. Quelques réticences çà et là apparaissaient dans le groupe et étaient fondées sur le manque de connaissances sur le sujet. C’est pour cela, qu’il nous a été indispensable en pré-requis de nous doter de ces bagages théoriques. Les apports de Yohann JAMBU, (documentaliste au collège Rameau et IAENT- conseiller technique auprès de l’IPR et gestionnaire du site académique des documentalistes), et d’Aurélie BERGUER (doctorante en sciences de l’éducation travaillant sur le cyber harcèlement avec Catherine BLAYA chercheuse à l’IREDU) nous ont été précieux et nous les en remercions.

**A/ Qu’est ce qu’internet ? Qu’est ce qu’un réseau social ?

Lors de son intervention, Yohann JAMBU a défini et expliqué le fonctionnement d’Internet en insistant sur le fait qu’internet est un lieu public, où la loi est applicable et où les données mises en ligne sont accessibles par tous, à tout moment avec une durée illimitée dans le temps.

Il nous a expliqué comment fonctionnent les réseaux sociaux en présentant le potentiel et les richesses liées à son utilisation mais aussi les risques liés à une méconnaissance ou une mauvaise utilisation. A travers son intervention, il a défini ces risques en insistant sur les questions autour de : l’identité numérique, d’espace privé/public et les lois qui régulent les abus.

Facebook est un site communautaire né sur un campus américain en 2004 et ouvert au public en septembre 2006. Il s’agit du principal réseau social en ligne, qui permet d’inviter en échangeant avec des "amis" gratuitement. Les informations circulent très vite, ce qui peut être intéressant pour diffuser largement et rapidement des informations quand elles sont controlées. Le danger vient du fait que les informations mises en ligne sur un profil, souvent naïvement par les individus (adultes et élèves), échappent complètement à leur propriétaire. Il est essentiel de comprendre que les données publiées sur Facebook appartiennent à Facebook ! Leur diffusion rapide et en masse peut engendrer de lourdes conséquences dans la vie "réelle".
Yohann JAMBU a insisté sur la nécessité de connaitre les moyens de protéger la confidentialité des données publiées en étant trés vigilant aux paramètres de sécurité. Sans paramétrage, tout ce qui est diffusé sur un réseau social peut être vu et utilisé par tous. Les connaitre et comprendre leur utilité permet de contrôler ce qui peut être rendu public de ce qui doit être maintenu privé.

Il est essentiel de sensibiliser les adolescents qui ont parfois des difficultés à distinguer ce qui relève de la sphère privée et de la sphère publique. Pour eux, il est souvent difficile de réaliser que ce qu’ils considèrent comme étant une discussion privée, (conversation personnelle, partage de photos...), est publique sur le Net. Par conséquence, les lois s’appliquent à leurs propres discussions (diffamation, harcèlement, droit à l’image....), et des sanctions pénales sont possibles en cas d’infractions. Rappelons que les publications sur Facebook, hors messages personnels, relèvent de droit de la publication comme les médias. Yohann JAMBU propose une image symbolique pour expliquer aux élèves comment Facebook fonctionne : le mur sur Facebook est identique au mur de notre maison. Si nous écrivons des injures, des insultes sur notre mur Facebook, c’est comme si nous l’écrivions en grosse lettre sur le mur extérieur de notre maison ( visibles de tous les passants !).

De cette difficulté à distinguer espace public-espace privé, résulte la perte de contrôle sur internet nous concernant (rumeurs, photos, infos...) à court et long terme. Selon une étude TNS Soffres, 92% des 8-17 ans utilisent leur vraie identité et donnent des informations personnelles, ce qui peu à peu, contribue à la construction non maitrisée, voire négative de son identité numérique (identité numérique qui a des incidences dans la vie réelle, notament professionnelle). C’est ce que l’on développe sous la notion d’e-réputation".

Yohann JAMBU travaille avec ses élèves sur la notion d’"amis". Qu’est ce qu’un ami ? C’est une porte d’entrée intéressante quand on sait qu’ une grande majorité des utilisateurs de Facebook disent maîtriser les paramètres de confidentialité (ce qui est moins vrai pour les jeunes de moins de 13 ans). Il est intéressant alors de préciser qu’il est nécessaire d’avoir 13 ans pour ouvrir un compte Facebook mais que beaucoup contourne cette règle en ce créant des avatars ( date de naissance erronée, pseudonyme...). Il est intéressant également de savoir que les adolescents ont en moyenne plus de 200 "amis" sur facebook et qu’un tiers d’entre eux acceptent comme amis des personnes qu’ils n’ont jamais rencontré. Plus les adolescents ont un grand nombre d’"amis" plus ils risquent de rencontrer de "faux amis" et d’être confrontés à des insultes, rumeurs, harcèlement ou usurpation d’identité.

L’identité numérique d’une personne physique est composée de toutes les informations présentes à son sujet sur internet. C’est un thème interessant à aborder avec nos élèves puisqu’ils diffusent via les blogs et les réseaux sociaux, un nombre d’informations personnelles considérables et qui restent accessibles en ligne sans limitation de durée. "Des générations sont en train de s’engager dans la vie avec un patrimoine de libertés fondamentales mutilé car ils ne pourront jamais récupérer complètement les informations qu’ils ont diffusé" (source CNIL)

Il est bon de contrôler ce que l’on met en ligne. Pour cela, il ne faut pas hésiter à aller se chercher sur google, 123 people et/ou Webmii en tapant son nom et prénom.

** B/ Comment les NTIC sont utilisées par les adolescents ?

Les NTIC ont influencé les pratiques personnelles des adolescents et notamment les pratiques de loisirs. De plus en plus d’adolescents ont leur propre ordinateur, souvent dans leur chambre.

Ils ont aussi majoritairement leur propre téléphone portable. Les avancées technologiques extrêmement rapides, ont bouleversé l’utilisation du téléphone portable qui permet d’accéder en un clin d’oeil à des loisirs (musique, jeux, vidéo, photos...), à internet (communication et informations illimitées...) et à de nombreux gadgets utilitaires (montre, agenda, réveil...). Outils que les adolescents affectionnent particulièrement car ils font partie de leurs codes et rituels d’apparteneance à un groupe de pairs. Les adolescents ont du mal à s’en détacher et l’interdire devient compliqué à gérer dans les établissements scolaires et plus particulièrement dans les collèges.
Son utilisation doit être réglementée par les règles de la vie collective, ce qui n’est pas forcément fait dans le cadre de la famille. Il est important d’apprendre aux élèves un usage respectueux des autres (bruits, droit à l’image, politesse, respect de personnes) et protecteur (ne donner son numéro qu’aux personnes de confiance, ne pas le prêter pour ne pas risquer une usurpation d’identité...).
L’âge doit être pris en compte et les plus jeunes doivent être sensibilisés notamment au risque d’être confrontés à des contenus choquants, violents ou pornographiques.

De nombreux jeunes se passionnent pour les jeux vidéos, soit contre leur ordinateur, soit en ligne contre des milliers d’adversaires situés n’importe où dans le monde. Une classification "PEGI" permet d’adapter les jeux vidéos à l’âge des enfants en informant les types de contenus présents. Il est important d’en discuter aussi avec les familles, ce qui peut se faire par exemple lors de conférences. Cela permet de débattre sur le fait que cette classification garantit, avant d’interdir, de protéger leur enfant de contenus non adaptés. Il en va de même de l’accès à l’information.

Juger de façon insuffisante, secondaire ou même superficielle par certains, l’usage d’internet, quand il est fait avec discernement, est une source d’informations et de connaissances essentielles pour chacun et aussi pour les adolescents. E-learning, ENT sont des outils de plus en plus souvent maitrisés. L’effacement des distances, le désenclavement des zones rurales offrent une ouverture sur le monde et l’accès à de nouvelles cultures.

Les lois et réglementations protégent et préviennent sur des situations douloureuses à vivre pour des adolescents tout en permettant un usage profitable de ces NTIC, notamment des réseaux sociaux. En effet, si les jeunes se retrouvent de façon si importante sur les réseaux sociaux, c’est qu’ils y trouvent des bénéfices dans leurs relations avec leurs pairs. Sans se substituer aux liens rééls, cela renforce des liens déjà existants en dépassant certaines contraintes (temps, distance, timidité....). En facilitant les échanges, les réseaux sociaux sont vécus comme un complément certain de sociabilisation, permettant aux jeunes d’acquérir une nouvelle autonomie, de construire de nouvelles expériences relationnelles.

C’est ce que démontre des recherches scientifiques qui visent à mieux comprendre les influences de ces nouveaux modes de communication.

Le docteur Rebecca Mattews, chercheur à la Société Australienne de Psychologie a mené une étude sur l’influence de facebook et autres réseaux sociaux en terme de socialisation.

Elle note une utilisation massive de facebook – 1er réseau social en Australie – environ 80% de la population utilise un réseau social. C’est un phénomène révélateur d’un véritable ancrage des réseaux sociaux dans la société actuelle. Elle rappelle qu’une fois introduit les NTIC dans la vie quotidienne des individus, il est difficile de revenir en arrière et dans l’ensemble ce que nous en faisons est considéré comme un plus.

79% des australiens déclarent que les réseaux sociaux favorisent le contact avec des personnes éloignées. Cela engendre des contacts plus fréquents avec les proches ou la famille.
25% des personnes considèrent avoir une vie sociale plus importante, qu’ils sortent plus grâce aux contacts noués par les réseaux sociaux.

L’étude précise que l’existence de forts liens sociaux renforce l’estime de soi et la sensation de bien être tout en offrant un soutien et un sentiment d’appartenance. Cela est particulièrement nécessaire chez les adolescents – utilisateurs massifs des réseaux sociaux.

Mais tout n’est pas aussi positif. Certains comportements laissent croire que ce qui se passe sur la toile, n’est pas grave. Et il est facile de tomber dans des phénomènes de harcèlement, de violence verbale, d’incitation à la haine raciale, de contacts non désirés ( via des pseudos modifiés..)

Le risque provient également du temps superflu que l’on passe sur les réseaux sociaux. Il est parfois trop important et nous empêche de faire d’autres activités. Il est donc nécessaire de faire des ajustements et c’est là que l’Education peut jouer un rôle primordial. Attention cette éducation doit se faire dans la cellule familiale mais également à l’Ecole.

Pour Patti Valkenburg et Jochen Peter, psychologues de l’Université d’Amsterdam, en compilant dix ans de recherche sur cette question, ils ont relevé deux changements majeurs dans les pratiques de discussion en ligne, qui, selon eux, ont modifié les conséquences de ces pratiques sur la socialisation.

1. le nombre d’utilisateurs des réseaux sociaux : c’est une activité de masse, qui n’est plus l’apanage de quelques individus isolés,

2. L’évolution des espaces de discussion : auparavant les jeunes fréquentaient des espaces de discussions anonymes et dépersonnalisés types chat room, donjons…et ils rencontraient essentiellement des inconnus. Aujourd’hui la majorité des contacts sont des personnes connues, déjà fréquentées au quotidien. Chacun cultive les relations existantes en priorité.

Les réseaux sociaux sont des lieux où l’adolescent peut aborder avec ses amis des questions plus personnelles, sur ses sentiments, soucis, espoirs…

L’usage des réseaux sociaux renforcerait donc la qualité des liens d’amitié des adolescents. Cela a un effet positif sur le niveau du stress et de bien être. Plus ce niveau est élevé, plus l’adolescent se sent mieux et il peut alors s’engager pleinement dans ses autres activités.

Au vu de ces recherches :
- Soit l’Ecole adopte une position fermée vis à vis des réseaux sociaux et les considère selon un aspect négatif en les laissant en dehors, comme un outil non désiré.
- Soit l’Ecole décide d’une éducation à ces nouveaux modes de communication afin de permettre une utilisation responsable et raisonnable et l’inclut dans le socle commun de connaissances et de compétences.

Pour les CPE présents, une éducation du cyber citoyen doit donc se mettre en marche et la formation continue doit accompagner ces évolutions techniques.

Ressource intéressante à consulter sur le site du CRDP de Besançon : http://www.cndp.fr/crdp-besancon/index.php?id=identite-numerique

2- Les risques et/ou dangers à connaître et reconnaître pour (se) protéger

Nous nous sommes intéressés aux nouvelles possibilités offertes aux jeunes en terme de libertés, de nouveaux espaces et domaines d’exploration, d’autonomie ; tout en étant attentifs aux risques et dangers auxquels ils s’exposent. Définir ces risques nous permet de mieux les comprendre et de les intégrer à nos projets de sensibilisation.

** A/ Des risques d’isolement, de désocialisation, d’addiction.

L’utilisation des NTIC peut engendrer des comportements inquiétants chez des adolescents, souvent porteurs de mal-être.

Tout d’abord, dans certaines situations, les réseaux sociaux peuvent devenir un substitut à une réelle sociabilisation. Un mal être, des difficultés de communication dans la vie réelle, un manque d’estime de soi avec la tentation de se construire un Avatar en sont certaines des causes.

Que ce soit pour des jeux vidéos, pour les réseaux sociaux avec le suivi des actualités de ses "amis" ou les diverses applications proposées, l’intérêt devient vite permanent. La nécessité d’être au courant des dernières publications, de progresser dans un jeu qui avance même quand on est absent, mettent les adolescents sous tension.

Toutes ces activités sont chronophages et il arrive qu’elles prennent une part trop grande dans la vie d’un jeune, au détriment d’autres activités sportives, scolaires voire au détriment d’une vie sociale ancrées dans la réalité. Ce qui est problématique à tout âge, peut devenir destructeur chez des adolescents en pleine construction de leur propre identité.

Nous avons un rôle important dans le repérage de signes de difficultés chez nos élèves (fatigue, baisse des résultats scolaires, agressivité, isolement, absentéisme voir déscolarisation).

Le surinvestissement d’une socialisation virtuelle ou d’une addiction aux jeux vidéo risque d’isoler et de désocialiser des jeunes fragilisés.

**B/ Des conséquences liées à une absence de frontière entre espace privé/public

Nous avons également fait appel aux compétences d’ Aurélie BERGUER pour définir certaines notions liées au cyber harcèlement.

Elle nous a présenté une enquête en cours qui a fait appel aux établissements volontaires. L’objectif de sa thèse est d’évaluer l’ampleur de la cyberviolence en France, chez les jeunes de 11 à 18 ans.

Relais de ce qui se passe dans la cour, les actes mal intentionnés (chantage, rumeur, harcèlement...) sur internet ont des conséquences bien plus destructrices sur la construction de l’image de soi . Plusieurs facteurs jouent. Tout d’abord l’écran met de la distance, ne tient pas compte de tout ce qui compose la communication directe, gestuelle et les propos tenus sont plus durs, plus osés, moins empreints d’empathie que dans la vie courante. Les messages sont aussi reçus de façon éronnée, source de quiproquos et de conflits, de mal être avec le sentiment de ne pas être compris ou pris au sérieux. Qu’est ce qui relève du jeu ? Qu’est ce qui relève du mal être ? Cela est plus complexe et la réponse est indivuelle. Enfin, ce qui dans la cour serait entendu par un nombre limité de personnes, de façon orale et éphémère, est lu de façon quasi ilimitée sur internet avec une marque indélébile, une absence d’oubli. La dureté des propos peut être amplifiée encore par le fait que chacun peut prendre position ( abondance des “j’aime / j’aime pas...). On parle alors de Cyber harcèlement.

Aurélie BERGUER nous a donné une définition plus précise du cyber harcèlement (définition donnée par l’Observatoire des droits d’Internet à partir des recherches européennes sur le sujet :
- Un acte intentionnel de blesser l’autre. Il est parfois difficile de savoir si le fait relève d’une blague ou s’il est intentionnel. L’acte peut être ponctuel mais il sera répété plusieurs fois puisque les amis de mes amis vont le diffuser à plusieurs reprises. Cela devient du harcèlement en raison des répétitions.

- Une répétition des actions négatives avec des fréquences diverses,
- Un déséquilibre des forces, évalué en fonction de critères de la vie "réelle" (comme l’âge, la force physique,) ou/et de critères relatifs aux NTIC ( maîtrise de l’outil informatique ...).
- Les actes apparaissent dans le contexte de groupes sociaux "hors ligne" existants. Ce sont des actes orientés vers une personne en particulier.

La cyber violence est une conception générale alors que le cyber harcèlement est une forme spécifique de la cyber violence.
L’observatoire des droits d’internet a mené une enquête aupres de 20 000 jeunes Européens. Un jeune sur trois avoue avoir été victime de cyber harcèlement et un sur cinq concède avoir déjà harcelé. Les formes les plus fréquentes sont les insultes, les menaces et les impostures.

Enfin, la course aux "amis" Facebook, jauge de popularité, conduit certains élèves à refuser volontairement les paramètres de sécurité, permettant à un grand nombre de personnes d’ accéder à leurs informations. Contrairement aux idées reçues, Aurélie BERGUER nous précise que la majorité des jeunes connaissent les paramètres de confidentialité des réseaux sociaux pour se protéger d’actes malveillants mais qu’ils ne les utilisent pas suffisamment pour, par exemple, avoir un très grand nombre d’amis sur la toile. Seulement 13% des 11-13 ans protègent leurs informations personnelles sur Facebook et plus de 30% disent accepter automatiquement tout "nouvel ami" même s’ils ne le connaissent pas. Il y a surtout une méconnaissance des conséquences possibles (des insultes ponctuelles ou qui se répètent et dont les conséquences psychologiques sont considérables, mais aussi le risque de mauvaises rencontres....). Notre rôle de prévention est essentiel, mais il faut être vigilant à ne pas envisager cette thématique uniquement sous l’angle du danger. Aborder ces questions sous un angle plus positif avec l’idée d’éduquer nos jeunes à une utilisation responsable et consciente semble plus pertinent.

Yohann JAMBU, nous a ainsi apporté un regard différent de celui des CPE mais néanmoins très complémentaire notamment sur l’utilisation des réseaux sociaux par les jeunes. A travers son regard de professeur documentaliste, il nous a sensibilisé aux aspects positifs des nouveaux modes de communication des jeunes. En tant que CPE nous abordons ces problématiques sous l’angle éducatif, dans le cadre de la relation d’aide ou de la prévention (traitements des situations difficiles ; harcèlement, insultes, réputation salie, impact psychologique...).

Certains d’entre nous ont tendance à voir les nouvelles technologies comme des dangers potentiels, où il faut apporter une aide individuelle, des conseils, un rappel à la loi, contribuer à sensibiliser collectivement sur ces dangers.

Yohann JAMBU avec une vision plus pédagogique des NTIC nous a éclairé sur le potentiel positif, sur le plan pédagogique, social et éducatif en accentuant sa présentation sur les réseaux sociaux et sur l’importance d’éduquer les élèves à ces outils.

Ce qui nous amène à nous questionner sur le rôle de l’école et plus particulièrement de la vie scolaire dans cette éducation à la cyber citoyenneté.

3- Des pratiques professionnelles adaptées pour le CPE. Comment utiliser ces NTCI dans le cadre de l’éducation à la cyber citoyenneté ?

Le phénomène des réseaux sociaux, avec Facebook en tête, modifie les modes de communication et engendre de nouvelles problématiques visibles dans les établissements scolaires.

Cela concerne les CPE dans deux domaines, celui de la relation d’aide et celui de l’éducation à la citoyenneté. Tout d’abord, les CPE sont confrontés à des conflits nés ou amplifiés sur les réseaux sociaux et qui ont leur continuité dans les établissements scolaires (insultes, harcèlement, réputation salie, violences.....) avec des conséquences importantes sur certains élèves (décrochage, absentéisme, mal-être...). En informant et en conseillant les élèves et les familles, les CPE apportent aide, expertise et orientent vers d’éventuelles personnes ressources.

Les CPE peuvent aussi investir dans le cadre de l’éducation à la citoyenneté, une réflexion interdisciplinaire pour éduquer les élèves à une utilisation réfléchie et sécurisante d’internet et des réseaux sociaux.

Ce qui pose les questions de savoir comment éduquer à une utilisation responsable de ces nouvelles technologies ? Comment l’école, plutôt que de nier ou de prohiber, peut-elle former pour protéger ? Comment sensibiliser les familles à ces problématiques ?

**A/ Les CPE dans une relation d’aide et d’accompagnement.

• Prise en compte de l’impact psychologique et social du cyber harcèlement.

Il est important de mesurer l’impact fort, parfois destructeur que peuvent engendrer sur des adolescents des violences subies via internet. Bien plus que des violences du même type dans la cour, les violences sur internet sont amplifiées, illimitées dans le temps et vues par un nombre infini de personnes. Les rumeurs, menaces, insultes, ou propos diffamatoires, éphémères, dans la cour de récréation peuvent, sur internet, nuirent durablement à l’image de la victime, d’autant plus que cela est assorti de photos ou vidéos dégradantes. Par ailleurs, les outils virtuels permettent aux auteurs de ces propos de rentrer plus facilement en contact avec ce qu’ils désignent comme leur "proie" (voir “le cercle social du hacèlement” decrit par C. Salmivalli, K. Lagerspetz, K. Bjorkqvist, K. Osterman et A. Kaukiainen – auteurs de livres et rapports sur le sujet ). Les élèves victimes de rumeurs ou cyber harcèlement ont plus de mal à se protéger, car les coupures sont plus difficiles : les NTIC permettent de rester en contact en permanence quels que soient les distances et le temps.

"Les conséquences scolaires, sociales et psychiques sont profondes et de longue durée" (www.education.gouv.fr). Il est important de ne pas en minimiser les conséquences pour apporter une aide adaptée.

• Repérer les signes.

Il n’est pas toujours évident de repérer les signes de mal être liés au cyber harcèlement. Les victimes de harcèlement ont souvent honte de ce qui leur arrive, elles culpabilisent et n’osent pas en parler. Elles souffrent souvent d’une image de soi très dévalorisée et dégradée. Quelques signes sont à repérer et à croiser : fatigue, irritabilité, baisse des résultats scolaires, du travail à la maison, absences plus importantes, repli sur soi.... Dans la cour ou en classe, on peut repérer des ricanements ou des signes d’ostracisme de la part de leurs camarades ; (la plupart des actes de cyber harcèlement étant commis entre pairs). Il est important de dialoguer avec les familles qui peuvent aussi constater des comportements différents à la maison : refus d’aller en cours, angoisse face à l’ordinateur ou au téléphone portable...

• Quelles aides ?
En tant que CPE, nous avons d’abord un rôle d’écoute et d’aide à tenir envers l’élève et sa famille en orientant vers des personnels spécialisés (infirmière, psychologue...), mais aussi vers la police ou la gendarmerie si la situation nécéssite un dépôt de plainte.

Si les auteurs sont élèves dans l’établissement, un travail devra être effectué pour un rappel des lois en vigueur. En annexe, un rappel des législations sur le sujet mis en ligne par le CLEMI de DIJON.

Les recherches européennes sur le cyber harcèlement insistent sur le fait qu’il faut prendre en charge la victime mais également l’auteur. Car le seul rappel à la loi n’est pas suffisant en terme de prise en charge éducative. Pour permettre à chacune des parties en présence ( victime, auteur, cercle du harcèlement...) de changer de posture, de corriger leur comportement, de comprendre ce qui s’est passé, il est nécessaire d’apporter des réponses éducatives adaptées, collectives et inidviduelles. Donnons le droit à certains élèves de changer !

** B/ Eduquer des cyber citoyens.

L’école a un rôle essentiel à jouer dans la transmission des valeurs liées à un usage responsable d’internet. "On peut définir le Cyber citoyen comme une personne qui exerce ses droits et ses devoirs sur internet. Un citoyen qui est informé de ce qu’il peut faire et ne pas faire sur internet" (www.education.gouv.fr).

Pour être un cyber citoyen, il faut déjà connaître les règles qui s’appliquent entre personnes dans la vie de tous les jours, des règles respectueuses des droits et de la dignité de chacun. Les lois qui s’appliquent dans notre quotidien sont les mêmes que celles qui régissent les relations entre personnes sur la Toile. Éduquer des cyber citoyens, c’est transmettre des valeurs éducatives dans le contexte d’internet.

Il semble souhaitable que Facebook soit accessible aux élèves dans l’établissement car marquer un interdit revient à fermer la porte à l’acte éducatif.

Le Brevet Informatique et Internet, qui valide les compétences numériques acquises par les élèves accorde, depuis la rentrée 2012, plus d’importance à ces questions de la protection des données personnelles et de la vie privée.

Les chartes des TICE et d’internet des établissements scolaires apportent un début de sensibilisation et de formation aux élèves ainsi qu’à leur famille sur ce sujet. Elles peuvent être complétées par des actions de sensibilisation, soit menées à l’interne par des équipes pluri-disciplinaires, où le CPE trouve toute sa place, soit avec le concours de partenaires exterieurs agréés.

Un binôme CPE-DOC est très pertinent et complémentaire pour des temps de formation auprès des classes voir auprès des familles. A travers son expérience dans son établissement, Yohann JAMBU nous a présenté des séances d’intervention avec ses élèves et a insisté sur la nécessaire complémentarité DOC/CPE. Ce qui nous a conduit à réfléchir sur nos propres outils de sensibilisation. En annexe sont proposées plusieurs séances de sensibilisation imaginées par des collègues du GDL. Elles ont l’intérêt de présenter un cadre d’intervention et de mettre en relation contenu et compétences du socle commun.

Les professeurs documentalistes sont des partenaires privilégiés pour mener des formations à la cyber citoyenneté, mais une équipe pluridisciplinaire a tout son intérêt, avec les enseignants d’histoire géographie notamment. Une réflection et un travail d’équipe permettent de mutualiser les compétences de chacun et de s’adapter au contexte d’établissement. Quelles que soient les projets, une réflexion doit être menée pour valoriser les compétences des élèves dans le cadre de la validation des compétences du socle commun.

Parallèlement, de nombreux sites de l’éducation nationale ou des partenaires associés proposent des formations et des supports intéressants pour les équipes pédagogiques et éducatives des établissements scolaires : www.eduscol.education.fr/internet-responsable

Conclusion :

Malgré certaines réticences, les apports théoriques nous étaient indispensables car la plupart d’entre nous méconnaissaient les réseaux sociaux, leurs enjeux et leurs conséquences pour nos élèves à court ou à long terme. Le travail que nous avons effectué tous ensemble cette année, nous a apporté ces connaissances et par conséquent des compétences nouvelles pour intervenir ou piloter des projets de prévention dans nos établissements. Ces compétences nous permettent de faire face aux situations difficiles que peuvent rencontrer certains élèves et leurs familles en leur apportant soutien et conseils.

NB : les annexes et le compte rendu sont accessibles en téléchargement ci-dessous